La réorganisation du travail ne doit pas se faire au dépend de la santé des salariés

En 2008, dans l’arrêt Snecma les juges avaient déjà précisé qu’il était «interdit à l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés» et que «l’employeur est tenu, à l’égard de son personnel, d’une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs».
Ainsi, au vu de la nature et de l’étendue des risques caractérisés qu’induisaient certaines mesures du projet, la nouvelle organisation du travail Snecma avait été annulée par les juges. Cette évaluation doit se faire avant tout en début de prise de décision et préalablement à la décision du CE (ou CCE), car si l’employeur a la liberté d’organiser son entreprise (liberté d’entreprendre à valeur constitutionnelle), cette liberté ne doit pas s’exercer au détriment d’une autre valeur non moins constitutionnelle : la protection de la santé garantie à tous.
Ainsi, l’article L 4121-1 du Code du travail, nous précise que «l’employeur est obligé d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail » et que «l’amélioration de la sécurité, de l’hygiène et de la santé des travailleurs au travail représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations de caractère purement économiques». Donc, la sécurité et la santé prime sur tout autre intérêt.

Dans l’affaire FNAC qui nous intéresse, le projet de réorganisation implique des suppressions d’emplois et un transfert de la charge de travail sur les salariés restants. Les rapports d’expertises versés au débat par les différents CHSCT mettent en avant l’intensification du travail, des objectifs inatteignables, l’allongement des journées de travail générant un stress considérable pour les salariés qui, à juste titre, ne se sentent pas en capacité de faire face à la surcharge de travail.
Le risque encouru par ce projet et défendu par les CHSCT et les organisations syndicales est donc d’ordre psychosocial. Cette action en justice, en matière de risque psychosocial par les CHSCT, est une première d’où son intérêt. Rappelons que les risques psychosociaux sont les risques qui sont à l’origine d’une altération de la santé mentale et de l’efficacité des individus, tels que le stress au travail, le harcèlement moral ou sexuel et les violences au travail. L’employeur se doit donc de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés (obligation de sécurité de résultat) dans tout projet d’organisation du travail quel que soit le sérieux des motifs économiques avancés par l’employeur pour sauvegarder sa compétitivité.

La santé des salariés prime sur l’intérêt financier économique et industriel.
Dans cet arrêt FNAC, au vu des documents produits (rapports d’expertises) qui caractérisent un risque grave et caractérisé d’ordre psychosocial, les juges :
– ordonnent la suspension du projet au vu des risques psychosociaux encourus par les salariés,
– demandent la transmission des documents quantitativement précis sur les transferts de charge de travail compatibles avec les horaires et la vie privée des salariés,
– confirment la possibilité, pour les CHSCT, de demander à la justice l’annulation ou suspension d’un projet de réorganisation et d’un PSE sur le fondement des risques psychosociaux.

Nous ne pouvons que nous réjouir de ces décisions qui mettent en avant le rôle primordial des membres du CHSCT en matière de protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des salariés ainsi qu’à l’amélioration de leurs conditions de travail.

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