Dans le groupe détenu à 62% par la troisième fortune de France, l’annonce des délocalisations d’activité qui menacent des centaines d’emplois à Argenteuil et à Saint-Cloud révolte les salariés.
Ils sont bien décidés à ne pas regarder leur usine mourir. Jeudi dernier, environ deux cents salariés de Dassault Aviation Argenteuil (Val d’Oise) se sont rassemblés devant les grilles du site d’assemblage de fuselage d’avions d’affaires et militaires, à l’appel de la CGT, pour faire entendre haut et fort leur détermination à combattre les délocalisations d’activités et les suppressions d’emplois qui se profilent. « En octobre 2016, le PDG de Dassault Aviation a annoncé un plan de transformation visant à spécialiser les neuf sites français du groupe. Ce qui reviendrait à délocaliser un tiers des activités de l’usine d’Argenteuil vers celles de Biarritz et Seclin, et toucherait environ 300 postes », explique Anthony De Castro, secrétaire du syndicat CGT sur le site, qui compte environ 900 salariés. Le siège de Saint-Cloud pourrait également voir 1000 postes transférés à Mérignac. Au-delà de ces transferts d’activité et des suppressions d’emplois, le syndicat craint que cette opération ne soit qu’un prélude à une possible fermeture du site d’Argenteuil. D’autant que les 12 hectares occupés par l’usine située dans le Val d’Oise représentent une aubaine pour les spéculateurs immobiliers, alors que le terrain se situe à quelques encablures de la Seine et du tramway T2. Le projet de délocalisation de la direction libèrerait déjà 4 hectares dans l’immédiat à Argenteuil.
« Plus de 20 millions d’euros » d’argent public
Si la direction affiche une volonté de muter les salariés d’Argenteuil concernés vers Biarritz et Seclin, « nombre d’entre eux ne sont pas prêts à bouger et risquent d’être licenciés », ajoute le syndicaliste. « Dassault touche de l’argent public, il doit rendre des comptes », souligne au micro Jean-Michel Ruiz, secrétaire départemental du PCF dans le Val-d’Oise, qui fait état de la mobilisation des élus communistes auprès des ministères comme de l’exécutif régional pour obtenir une intervention des pouvoirs publics dans cette affaire. Plus précisément, le PCF estime dans un communiqué que « Dassault a touché plus de 20 millions d’euros au titre du CICE [Crédit impôt compétitivité emplois, Nldr] et du CIR [Crédit impôt recherche, Ndlr] ». Sans compter la dépendance du groupe aux contrats passés par l’Etat français avec des pays étrangers pour les ventes de Rafale.
En pleine campagne électorale, les salariés de Dassault entendent faire irruption dans le débat politique. « Dans cette campagne on parle de tout sauf des salariés et de leurs familles ou de la place de l’industrie dans l’économie », fustige Pascal Lenogue, délégué du personnel CGT sur le site d’Argenteuil et secrétaire général de l’Union syndicale des travailleurs de la métallurgie CGT du Val d’Oise.
Un plan B industriel
Pour mobiliser les salariés, la CGT compte mettre en place des groupes de discussions autour de ses propositions alternatives. En plus de la réduction du temps de travail à 32 heures, de consacrer 10% du temps de travail des salariés à la formation professionnelle et de la mise en place d’une échelle de salaires allant de 1 à 20 (contre un écart actuel « de 1 à 82 », avance la CGT), le syndicat porte un projet industriel tournant autour de la construction d’une nouvelle usine à Argenteuil. « Une grande partie de notre établissement est à l’abandon depuis 10 ans », déplore le syndicat dans un tract. Concernant la production, la CGT propose de créer un pôle de valorisation des avions en fin de vie, de développer un nouvel avion d’entraînement, ainsi qu’un avion civil léger 100% électrique, mais aussi de diversifier la fabrication pour l’étendre au spatial, aux éoliennes, aux navettes ou aux dirigeables.