SMIC et CICE : deux poids, deux mesures !
Dans le cadre du pacte de responsabilité, le crédit d’impôt compétitivité-emploi (CICE) est renforcé et passe de 6 à 7 %, soit un allègement supplémentaire pour les entreprises de 3,1 milliards d’euros. Le Gouvernement persiste et signe dans un dispositif d’aide aux employeurs sans effet sur l’emploi puisque non contraignant.
Dans le même temps, il fait le choix de limiter la revalorisation du SMIC au seul mécanisme légal en l’augmentant de 0,93%, cela représente, en brut, un SMIC horaire de 9,76 euros et de 1480,27 euros mensuel (soit moins de 6€ nets par mois). Cette décision va à l’encontre des recommandations de l’OIT qui s’alarme des conséquences de la faible augmentation des salaires sur le développement économique en Europe. C’est aussi un frein aux négociations salariales (NAO) dans les entreprises et les branches professionnelles.
Durée du travail et organisation du temps de travail :
la hiérarchie des normes inversée, priorité à l’accord d’entreprise
Désormais, pour toute la partie «durée du travail» (durée, repos, jours fériés, congés payés et autres congés), l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche. Peu importe qu’il déroge à l’accord de branche et soit moins favorable pour les salariés. Le rôle d’unicité de la branche évitant le dumping social entre entreprises est relégué.
Négociation collective :
l’accord majoritaire tué dans l’oeuf
Les accords d’entreprise relatifs à la durée du travail, pour être valables, doivent être signés par un ou plusieurs syndicats représentant au moins 50% des suffrages exprimés lors des dernières élections. L’accord majoritaire était déjà évoqué dans la Position commune du 9 avril 2008 signée par la CGT. Mais la Loi El Khomri minore de suite cette avancée par l’instauration du referendum. Ainsi, un accord qui ne recueillerait que la signature de syndicats pesant seulement 30% des suffrages pourrait, à la demande de ces derniers, être soumis à referendum auprès des salariés. La loi dépossède les organisations syndicales de leur prérogative pourtant issue du Préambule de la Constitution de 1946. Elle individualise le droit à la négociation, en faisant peser la responsabilité sur chaque salarié pris seul directement, en tant qu’individu, à l’image de ce qui s’est passé chez SMART, avec le chantage à l’emploi orchestré par la direction.
Elections professionnelles :
la fausse bonne idée de la « parité »
Les listes de candidats aux élections professionnelles CE, DUP, DP (titulaires et suppléants) devront comporter alternativement un nombre d’hommes et femmes correspondant à la composition du collège électoral. A défaut le juge pourra annuler l’élection du ou des candidats du sexe surreprésenté sur la liste.
La CGT est bien favorable à une plus grande mixité dans les IRP mais pas par la menace de voir des élus démis par le juge. Des mesures incitatives auraient été plus adéquates (ex : augmentation des heures de délégation). De plus la loi risque de produire l’effet inverse à ce qui est souhaité, en empêchant de présenter une candidate lorsque le collège est très largement masculin (ratio défavorable).
Médecine du travail :
le suivi de la santé au travail dégradé
La visite médicale d’embauche disparaît, elle est remplacée par une simple visite d’information et prévention. Les visites périodiques sont supprimées, c’est le médecin du travail qui fixe la fréquence du suivi médical de chaque salarié (5 ans maximum). Un suivi médical adapté est prévu pour certaines catégories de salariés tous les trois ans au maximum (travailleurs de nuit, travailleurs handicapés…). Pour les «postes à risque», la visite médicale a lieu tous les quatre ans au maximum, complétée par des visites intermédiaires. Par ailleurs, la reconnaissance de l’inaptitude déjà bien atteinte par la loi Rebsamen est encore allégée : un seul examen médical au lieu de deux jusqu’à maintenant.
Restauration et vestiaires :
obligations allégées pour les employeurs
Dès lors que l’activité ne nécessite pas de porter une tenue de travail spécifique, l’employeur peut s’exonérer des vestiaires collectifs et les remplacer par un meuble de rangement sécurisé et situé à proximité du poste de travail. L’emplacement du lieu de restauration ne fait plus l’objet d’une demande d’autorisation auprès de l’inspecteur du travail, une simple déclaration suffit.
Infraction routière :
la dénonciation des salariés obligatoires
L’employeur doit communiquer, dans un délai de 45 jours, les coordonnées du salarié ayant commis une infraction routière constatée par radar automatique.
Négociation obligatoire sur le droit à la déconnexion
Dans le cadre de la négociation « égalité professionnelle et qualité de vie au travail» (un des trois piliers de négociation obligatoire définis par la loi Rebsamen), le droit à la déconnexion doit être abordé sous l’angle de ses modalités d’exercice et de mise en place de dispositifs de régulation.
En contradiction complète avec le reste de la loi El Khomri qui favorise l’allongement de la durée du travail, cette nouvelle obligation de négocier est insuffisamment définie et devrait être notamment complétée ainsi :
– Pas de sollicitation professionnelle en dehors du temps de travail ou d’astreinte et instauration de périodes de trêves de mails ;
– Définition du système de report de la charge de travail durant les périodes de repos et de congés.
Tracts syndicaux et intranet
A défaut d’accord d’entreprise sur la diffusion d’informations syndicales par l’intranet, la loi permet désormais aux organisations syndicales de mettre à disposition publications et tracts sur un site syndical qui doit être accessible depuis l’intranet de l’entreprise.
Conseils d’administration et de surveillance
Le 1er janvier 2017 constitue l’obligation de parvenir à la mixité dans les organes de gouvernance des grandes entreprises suivantes :
– Sociétés côtées
– Entreprises de plus de 500 salariés avec un chiffre d’affaires d’au moins 50 millions d’euros.
Selon la loi Copé-Zimmermann de janvier 2011, ces conseils doivent désormais comporter au moins 40% d’administrateurs de chaque sexe.
Garantie jeunes généralisée :
une avancée de la lutte du printemps 2016
La mobilisation des étudiants et lycéens a contraint le Gouvernement à améliorer la loi par l’intégration d’un plan jeunes, dont la généralisation de la Garantie jeunes : pendant un an, parcours d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, organisé avec les missions locales, pour les jeunes de 16 à 25 ans qui connaissent des difficultés et sont confrontés à un risque d’exclusion professionnelle. Une allocation de 470 euros versée par l’Etat complète le dispositif.
Apprentissage : expérimentation régionale
Jusqu’au 31 décembre 2019, sept régions volontaires portent l’âge limite d’entrée en apprentissage à 30 ans (au lieu de 25 ans) : Bretagne, Bourgogne-Franche Comté, Centre-Val de Loire, Grand Est, Hauts de France, Nouvelle Aquitaine, Pays de Loire. L’objectif est de favoriser l’accès à la qualification pour les jeunes dont le projet professionnel s’est défini tardivement.
Le compte personnel d’activité
Le compte personnel d’activité (CPA) est ouvert pour toute personne d’au moins 16 ans qui :
– Occupe ou recherche un emploi
– Ou est accueillie dans un établissement et service d’aide par le travail (ESAT)
– Ou est retraitée.
L’objectif est de renforcer l’autonomie et la liberté d’action du titulaire et sécuriser son parcours professionnel. Le CPA centralise les droits sociaux des actifs inscrits sur trois comptes : compte personnel de formation, compte personnel de prévention de la pénibilité et compte engagement citoyen.
Depuis plusieurs années, la CGT propose un nouveau statut du travail salarié, constitué d’un socle de droits attachés à la personne (salarié, travailleur indépendant) garantis collectivement et transférables d’une entreprise à une autre. Droit à un salaire, à la prise en compte des qualifications, à l’ancienneté, droit à la formation professionnelle, à la retraite, droit à la sécurité sociale de santé et à une sécurité sociale professionnelle permettant à chacun de ne plus passer par la case chômage lorsqu’il perd son emploi.
Le CPA peut constituer une avancée sociale majeure en devenant le réceptacle du socle de droits attachés à la personne et garantis collectivement que nous revendiquons. A défaut, il ne restera qu’une bien piètre avancée au regard des transformations du travail qui sont en cours (ex: ubérisation).