La loi Rebsamen sur le « dialogue social », a été adoptée à l’Assemblée. Elle repassera
le 22 juin au Sénat – adoption définitive cet été. Qu’est-ce qui change concrètement ?
Des instances paritaires pour les toutes petites entreprises La loi prévoit une représentation dans les
toutes petites entreprises, par la création de commissions paritaires régionales,interprofessionnelles, composées de
représentants des organisations professionnelles d’employeurs et de salariés, issus d’entreprises de moins de onze salariés.
Mais les membres de cette commission n’auront pas le droit de rentrer dans les entreprises, ce que critiquent unanimement les syndicats.
Égalité homme-femme, en arrière !
D’un côté la loi instaure une obligation de parité sur les listes électorales syndicales, ce qui est plutôt une bonne nouvelle, au-delà du
fait que cette parité est « en miroir », c’est à- dire qu’elle représente la simple proportion homme-femme dans l’entreprise, et non pas
un 50-50 de principe. Mais la loi sur le dialogue social supprime bel et bien, au nom de la simplification, le Rapport de situation comparée (RSC), qui permettait jusqu’ici de faire un bilan chiffré sur l’égalité homme-femme dans les entreprises.
C’était pourtant un symbole de l’avancée des droits des femmes dans le monde professionnel.
Le texte voté fond la négociation spécifique et obligatoire sur le sujet dans une négociation plus générale sur la qualité de vie
au travail et repousse d’un à trois ans l’obligation de trouver un terrain d’entente.
Le flou règne quant à la sanction financière appliquée en l’absence d’accord. Seule petite « concession », il y aura une «
rubrique spécifique » sur l’égalité professionnelle dans la base de données unique, le nouveau document qui sert d’appui
aux négociations entre directions et représentants du personnel. Valorisation des parcours syndicaux Les syndicats obtiennent satisfaction : la valorisation des parcours syndicaux car en France, se battre pour ses camarades, c’est risquer d’être pénalisé à plus d’un titre, dans
sa progression de carrière. Bien qu’elle oublie tout le volet “répression syndicale dans les entreprises”, la loi
Rebsamen est une première étape. Tout salarié qui s’engage (élu, délégué syndical) aura droit à un entretien individuel avec
l’employeur, afin de définir « les modalités pratiques d’exercice de ce mandat au regard de son emploi ».
Une liste de compétences, définie par l’État, fera également l’objet d’une certification, et pourra être utilisée dans l’acquisition de
certifications professionnelles par le salarié. Le salarié dont les heures de délégation
dépassent 30 % de son temps de travail, sera assuré de bénéficier, au cours de son
mandat, d’une augmentation minimale « égale à la moyenne des augmentations individuelles perçues par des salariés
relevant de la même catégorie professionnelle ».
Une délégation unique du personnel pour les patrons des entreprises de moins de 300 salariés
La loi Rebsamen permet aux patrons des entreprises de moins de 300 salariés de regrouper délégués du personnel, Comité d’entreprise (CE) et Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) au sein d’une Délégation unique du personnel (DUP).
Jusque-là, cette possibilité n’existait qu’aux entreprises de moins de 200 salariés et n’incluait pas le CHSCT. Selon le
gouvernement, 3 000 entreprises de plus pourront mettre en place une DUP. Quant aux entreprises de plus de 300 salariés, elles
devront passer par un accord majoritaire (avec des syndicats totalisant 50 % des voix aux élections professionnelles) pour pouvoir
regrouper des instances. Environ 7 000 entreprises couvrant 7 millions de salariés seraient potentiellement concernées, selon le
gouvernement. Le délai d’envoi de l’ordre du jour pour une DUP a été fixé à 8 jours. Les députés ont aussi créé un nouveau seuil
à 1 000 salariés, en abaissant de 5 000 à 1 000 le cap obligeant à avoir deux représentants du personnel au conseil d’administration. Ce qui hérisse le patronat. Négociations « simplifiées » La loi concentre désormais les 17 obligations d’information-consultation du comité
d’entreprise et négociations obligatoires en trois grands rendez-vous. Ils « portent respectivement sur les orientations stratégiques et leurs
conséquences, la situation économique de l’entreprise et sa politique sociale ». Quant aux négociations obligatoires, elles
auront lieu sur trois thèmes : rémunération, temps de travail et partage de la valeur ajoutée d’une part, qualité de vie au travail
d’autre part, et, enfin, gestion des emplois et des parcours professionnels (GPEC).
Burn out – épuisement au travail
Sur le plan de la santé au travail, malgré l’amendement déposé par Benoît Hamon sur le burn out (dit aussi épuisement
professionnel), reprend grosso modo la position gouvernementale : les pathologies psychiques pourront désormais être
reconnues comme maladies d’origine professionnelle, aux mêmes conditions que les affections physiques. Mais rien ne se fera sans une inscription officielle au tableau des maladies professionnelles, dont la modification dépend des comités régionaux (composés de trois
médecins experts, le médecin conseil régional ou son représentant, un médecin inspecteur du travail et de la main-d’oeuvre et un
professeur d’université ou un praticien hospitalier). Le débat médical est loin d’être tranché et les pressions patronales sont constantes pour
empêcher son inscription. Pour ne pas être accusée de botter en touche, l’assemblée a également prévu que le gouvernement
remette au parlement avant le 1er septembre 2015 un rapport sur cette question.
Création de la prime d’activité
Fusion de la prime pour l’emploi et du RSA activité, imaginée notamment par le collectif Alerte, la prime d’activité a pour objectif «
d’encourager l’activité en soutenant le pouvoir d’achat des travailleurs modestes, de façon simple et lisible ». Elle se déclenchera
dès le premier euro de revenu d’activité et concernera plus de 5,6 millions d’actifs. Son barème qui comprend une part dite «
familialisée », proche de l’ancien RSA activité, et une bonification liée aux revenus d’activité individuels, sera précisé par décret.
Elle sera ouverte à tous les jeunes actifs, dès 18 ans, sans restrictions liées au fait d’habiter chez ses parents ou de travailler à
temps partiel. En revanche, les étudiants et stagiaires ne pourront pas en bénéficier.
Compte personnel d’activité
Il s’agit d’un compte regroupant les différents comptes existants (pénibilité, formation, compte épargne-temps…), que les salariés
pourront conserver tout au long de leur carrière. Inscrit dans la loi Rebsamen, ses contours et modalités seront ensuite précisés
par une loi en 2016 après concertation avec les partenaires sociaux.
La pénibilité au travail repoussée
Le rapport Sirugue au Premier ministre plaide pour une simplification du compte pénibilité. La loi sur le dialogue social reprend une
partie de ses propositions, notamment la prise en compte de la pénibilité par métier, suite à des accords de branche, et non plus
individuellement. Il acte que la déclaration de la pénibilité par les employeurs ne les exonère pas de
chercher à en supprimer les causes, et corrige les dispositions de financement. Ce qui n’est pas suffisant pour calmer la fronde :
l’application pleine et entière du compte pénibilité, a été une nouvelle fois reportée au mois de juillet 2016.